6. Les beurèks et les kourabiès de Mme Arpoutian


Mes parents avaient des amis arméniens, Iskander et Paulette Arpoutian. Quand nous allions chez eux j’étais amusée par l’allée gravillonnée bordée de petits nains qui nous accueillaient et j’attendais avec bonheur les bonnes choses que Paulette et Iskander Arpoutian allaient nous servir; surtout les beurèks et les kourabiés.





Les beurèks de Mme Arpoutian étaient un modèle du genre: une pâte fine et croustillante, dorée à souhait et qui enserrait une farce au fromage moelleuse et odorante. J’en ai encore l’eau à la bouche. Puis venait le moment des kourabiés ... 
Ah les kourabiès de Mme Arpoutian ! Du sucre, du beurre,  avec du sucre et du beurre ... et aussi un peu de sucre glace pour poudrer ce petit gâteau si friable qu'il fondait quasiment de lui-même dans la bouche sans que l’on fasse le moindre effort. Le goût des kourabiès s’apparente à celui des cornes de gazelle et des montécaos, petits biscuits d’origine espagnole également très sucrés, très beurrés, très sablés... J’ai trouvé des recettes arméniennes de kourabiès avec des ajouts de noix pilés et de petits verres de cognac. Mais dans mon souvenir rien de tout cela dans les kourabiès de Mme Arpoutian; juste du beurre, du sucre, avec du beurre et du sucre (un peu de farine quand même mais ce n’est pas ce qui prédomine). 
Les kourabiès et les beurèks de Mme Arpoutian ont ainsi trouvés leur place dans mon casier mémoriel des goûts et des saveurs. Les noms de ces deux recettes et de leur cuisinière sont d’ailleurs depuis complètement indissociables.  

Dans ma famille, ce ne sont pas les beurèks que nous mangeons mais les borekas. Frottés aux influences turques, grecques et arméniennes, les petits chaussons venus de la culture judéo-espagnole se sont garnis de fromages locaux comme la féta ou le kachkaval, ils ont calqué leur nom sur l’appellation environnante (à moins que ce soit l’inverse ?) tout en gardant la spécificité de leur pâte. Effectivement ce n’est pas la pâte filo qui sert à leur réalisation mais une pâte typiquement judéo-espagnole dont vous aurez le secret de fabrication dans la recette qui suit !


Je n’ai jamais vraiment retrouvé le goût des beurèks de Mme Arpoutian, juste un peu dans une rue de Rhodes où j'ai mangé dans une petite échoppe des tiropitas délicieux qui leurs ressemblaient beaucoup. Peut-être me manque-t-il pour retrouver ce goût des beurèks un ingrédient désormais introuvable: le son de la voix douce d’Iskander Arpoutian qui chantait pour nous en fin de repas d’anciens chants venus d’Arménie.

                

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